Ceci est un doigt d'honneur





Article initialement publié sur mon ancien blog, le 12 juillet 2016.


"Haaaan, mais t'as pris du poids toi, non ?"

La femme de ménage de mes parents, 12 juillet 2016, alors que je glandais tranquille pépouze sur internet. 
Va falloir que je mette certaines choses au clair. Avec les autres, avec moi-même.

My Mad Fat Diary

Oui, j'ai pris du poids. J'ai connu ce qui s'appelle communément "la boulimie", et notre relation s'est étalée sur un an, parsemée de crises diverses et variées. 
Oui, je me suis gavée de trucs dégueulasses, comme les gros qu'on moque du doigt : des sandwichs, du nutella, des brioches, des pains au chocolat... Et même que quand je les avalais, j'en étais essoufflée. Les bouchées se bousculaient les unes derrière les autres, bloquaient mon œsophage, pesaient sur mon estomac. Ça craint, hein ? Ça dégoûte, même.
En tout cas, ça m'a dégoûtée moi. 
Les gros, on les voit d'un œil mauvais. Qu'est-ce qu'ils foutent, à manger des chips et à rester au fond de leur canapé ? Ils ont qu'à bouger. Ils ont qu'à manger des salades. Ils ont qu'à avoir de la volonté.
Spoiler alert : la vie, c'est plus compliqué que ça. Et y a des gens, ils ont qu'à avoir la volonté d'être moins cons, aussi.
(Popopo la punchline du siècle)
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J'ai grandi stressée, angoissée, sans confiance en moi. Mon cas est loin d'être une exception. Seulement, ce que les gens ont du mal à intégrer, c'est que chacun trouve refuge à ses angoisses où il le peut. Certains rangeront frénétiquement leur environnement, d'autres courront un marathon, d'autres encore rabaisseront les autres pour s'en sortir plus grand par petitesse...
Et certains mangent. 
Qui a décidé que cet exutoire était à décrier ? La société, sûrement. Lorsqu'elle a imposé que la beauté s'accordait à un seul type de corps, sur lequel la graisse resterait persona non grata. De même, elle a déclaré que les gros étaient des gens sans volonté et larvaires, des incapables bousillant leur santé, et que toute visibilité en lien avec l'acceptation de la graisse consisterait en "une promotion de l'obésité" (veuillez insérez ici 156 guillemets (ainsi qu'un rire de dépit)).

Quand on nous répète ces injonctions à longueur de temps, par les images ou par les mots (et je reviendrai prochainement sur le manque de figures identificatoires réalistes et safes), elles viennent vite se coller sur notre peau. Double peine pour les gros : à la fois moqués de ne pas maigrir mais par là même découragés de maigrir.
"Du sport, moi ? Lol. Oh, et puis, pardon, je prends un gâteau de plus, c'est drôle, hein ? Riez." (Moi, avant, croulant sous les injonctions)
Croyez-le ou non, je me redécouvre sportive, et c'est ce que j'ai toujours été. Je me redécouvre amoureuse des fringues, des shorts et des débardeurs, malgré ma morphologie en O ou H ou autre élément de l'alphabet.
Et je me redécouvre jolie, contrairement à tout ce et tous ceux qui voudraient me faire croire le contraire. 

Cette destruction de mon corps à travers la boulimie, invitée qui a remplacé ma gourmandise par une pathologie, elle n'est pas issue de rien. Suffit de brancher deux ou trois synapses pour comprendre qu'elle est le fruit de la haine de mon image, copieusement nourrie par le monde environnant. Ce monde qui, lorsqu'on ouvre les yeux un peu plus grands, perd toute logique lorsqu'il s'agit de rabaisser et de vendre.

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Bien ouèj.

Selon plusieurs études, on maigrit vraiment et sainement lorsqu'on aime son corps. 
Grand paradoxe de notre société, qui nous enfonce la tête sous l'eau à coup d'idéaux inatteignables puis nous culpabilise de ne pas leur ressembler. Mais qui est le coupable ?

Alors pour lutter contre ma boulimie, j'ai décidé de m'aimer, et non de me flageller. 
Zara continuera de me cracher dessus en s'arrêtant au M. Ma taille sera toujours la dernière de la pile. Les personnages auxquels je pourrais m'identifier resteront peu nombreux. Et j'ai sûrement un bon répertoire de blagues et propos grossophobes qui m'attendent.
Mais je trouverais ma beauté autrement et ailleurs. Elle ne diminue pas en fonction de mes kilos. Et elle s'épanouit selon d'autres critères qu'un nombre sur une étiquette.

"Donc oui, Madame, j'ai grossi. C'est important ? Non. Je ne veux plus que ça le soit. Alors laissez-moi m'aimer."


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